Pourquoi le houblon français peine-t-il à égaler les arômes explosifs des variétés américaines ? La réponse se cache peut-être… dans un séchoir low-tech

Depuis des années, les brasseurs français se heurtent à un constat un peu frustrant : le houblon français, s’il a très bonne réputation pour ses variétés nobles, rivalise difficilement avec les notes fruitées et résineuses des houblons US ou néo-zélandais. On a pourtant essayé depuis 2016-17 de cultiver des variétés américaines (Cascade, Chinook…) mais avec des résultats aromatiques qui n’égalent pas leurs homologues américains. Et si la solution ne résidait pas seulement dans les variétés elles-mêmes, mais dans la manière dont on les sèche ?

Chez HOPSTOCK, on a mené une étude sur deux récoltes avec Inagro, Brewing Theory et Twistaroma, qui révèle des choses intéressantes sur le séchage du houblon. À 45°C et avec un air déshumidifié, les composés aromatiques du houblon sont préservés, offrant des arômes plus vifs et complexes.

Pourquoi le houblon US a t’il bonne réputation ?

Il faut d’abord comprendre deux facteurs clés : le climat et les méthodes de séchage traditionnelles.

La Yakima Valley, aux États-Unis, est réputée pour son climat semi-désertique. En septembre, l’humidité relative y est souvent inférieure à 30 %. En France, en revanche, l’humidité dépasse régulièrement les 60 %, voire 90 % lors des épisodes pluvieux. Un m3 d’air qui passe dans le séchoir y est donc jusqu’à 3x plus efficace, ce qui a un impact direct sur le séchage du houblon.

Dans les séchoirs traditionnels, l’air humide est chauffé pour dilater l’air, et mieux absorber l’humidité du houblon. Problème : cette méthode expose les cônes à des températures élevées (60-67°C) pendant une durée parfois prolongée (4 à 6 heures aux US, mais jusqu’à 15 heures en France). Résultat ? Ce qui est tout à fait sans conséquence pour un houblon amérisant (les Acides Amphas sont plus résistants aux températures élevées) a un impact direct et important sur les huiles essentielles, responsables des arômes, qui se dégradent (oxydation et évaporation)

Le séchage traditionnel ne sèche pas seulement le houblon… il assèche aussi ses arômes.

La solution : le séchage à basse température avec déshumidification

Face à ce constat, HOPSTOCK a développé une solution innovante et en même temps, assez low-tech: un séchoir à déshumidification et basse température. Le principe ? Réduire l’exposition du houblon à chaleur et à l’humidité, pour préserver ses composés aromatiques.

200 000€ ont été investis en fonds propre par HOPSTOCK sur une durée de 5 ans pour concevoir et construire ce prototype à la fois low-tech et pourtant assez innovant.

Comment ça marche ?
Le prototype HOPSTOCK combine trois éléments clés :

  1. Un déshumidificateur : pour extraire l’humidité de l’air avant qu’il ne traverse le houblon.
  2. Un échangeur d’air : pour récupérer la chaleur sans réintroduire l’humidité.
  3. Une chaudière à fioul : pour chauffer l’air à une température de 45°C.

L’air est ainsi recyclé en circuit fermé, réduisant à la fois la consommation d’énergie et le temps d’exposition du houblon à des conditions défavorables.

Les avantages en chiffres :

Focus sur les composés préservés :

Séchage du houblon : Préservation des arômes avec le séchoir à basse température et déshumidification de HOPSTOCK.

Résultats tangibles : 28% d’huiles en plus, des bières plus fruitées

L’application d’un séchage à basse température a montré des résultats encourageants :

Ces gains significatifs permettent de produire des houblons locaux capables de rivaliser avec les variétés importées sur le plan aromatique, tout en répondant aux exigences des brasseurs.

Témoignages

Témoignage de David Lutun, Brasseur et Formateur à la Brasserie de Wagnonville, Lycée BIOTECH

J’ai réalisé un brassin en fermentation haute avec une levure plutôt neutre et à densité plutôt basse (13°Plato) objectif 5.5 % alc.
J’ai fait le choix d’une bière dite « smash » soit un seul malt (pilsen 6rh) et le houblon Cascade BIO de Houblon de la Motte (séchage basse température et déshumidification) en amérisant, aromatique et houblonnage à cru (à l’époque je ne savais pas faire d’extraction d’huiles essentielles), le but était de sortir le potentiel aromatique uniquement de ce cascade flamand. J’avais utilisé une dose classique sans forcer, environ 600g/hl houblonnage à cru compris (sur une durée longue de 3 semaines).

Le résultat a été très bon, riche, aromatique et puissant. Bien plus que ce que j’avais l’habitude de récupérer habituellement avec les houblons aromatiques régionaux habituels.

Après un voyage d’étude dans la Yakima Valley et en participant à un programme d’étude sur des houblons régionaux Hauts-de-France sauvages, j’ai pu renforcer ma conviction que pour optimiser et récupérer le potentiel aromatique de tous les houblons, il faut sécher à plus faible température et le plus rapidement possible.

L’échantillon de Cascade BIO de HOUBLON DE LA MOTTE et mon essai m’ont convaincu qu’il était vraiment possible de tirer une spécificité régionale aromatique de tous les houblons qui y auront été produits. Je pense que cela nous permettra de développer une notion de terroir fort et spécifique et donc de répondre à une volonté de se démarquer des brasseurs par le houblon régional.

Conclusion du rapport d’analyse « Analyse cônes de houblon : séchage à 45-50°C et 60-67 °C » TWISTAROMA en collaboration avec Brewing Theory du 21/11/2024

[…]Cette étude démontre l’influence significative de la température de séchage sur la composition chimique et, par conséquent, sur le profil aromatique des cônes de houblon. Une température de séchage plus faible favorise globalement la préservation ou l’enrichissement de composés aromatiques essentiels, tels que certains thiols, terpènes et esters, qui confèrent des notes fruitées, florales et fraîches à la bière.

Les résultats mettent en évidence des variations notables de concentration pour des marqueurs olfactifs clés, comme le 3-mercaptohexanol acetate (+331%) et l’isoamyl isobutyrate (+1277%) à basse température […].

Ces observations soulignent la complexité des interactions entre les conditions de séchage et la chimie du houblon, avec des implications importantes pour la gestion des procédés et l’optimisation des profils aromatiques dans la production brassicole[…].
Ces résultats pourront orienter les pratiques de séchage pour maximiser la préservation des composés les plus impactants selon les objectifs sensoriels recherchés, et offrent une base pour explorer de nouvelles stratégies de séchage adaptées aux besoins spécifiques des brasseurs.


Implications pour l’industrie brassicole française: l’Indépendance aromatique

Le séchage à basse température ouvre la voie à une réduction de la dépendance aux importations de houblons US ou néo-zélandais. En valorisant les houblons français, les brasseurs peuvent revendiquer des bières à empreinte carbone réduite et à une identité plus locale.

Durabilité

Outre les gains aromatiques, cette méthode de séchage offre des avantages écologiques majeurs :

Le séchage à basse température transforme la donne pour le houblon français. En préservant des composés clés comme les thiols et les terpènes, cette approche permet de produire des houblons aux arômes plus marqués, tout en réduisant les coûts et l’impact écologique.

Et maintenant?

On va continuer chez HOPSTOCK à améliorer ce séchoir, lui installer une meilleure isolation, renforcer la puissance du déshumidificateur, installer une chaudière à biomasse, une case de réhumidification, tester le séchage à l’azote (pour réduire l’oxydation)…

Enfin, afin de rassembler les retours d’expériences de brasseurs, on propose d’envoyer gratuitement à ceux qui le souhaitent un échantillon de 500 grammes de houblon, Cascade BIO récolte 2024 en échange d’un témoignage (pourquoi pas même quelques bières pour motiver les saisonniers !)
Si vous êtes interessés, envoyez-nous un email à contact@brewstock.fr !

Edouard HOP, pour BREWSTOCK

Brewstock.fr est une place de marché qui permet aux brasseurs de se fournir en direct de producteurs de houblon.